Présentation du contexte
Situation générale de la Ville de Dschang
La ville de Dschang est située dans la province de l’Ouest du Cameroun, dans le département de la Ménoua dont elle est le chef-lieu. Elle est située à 200 kilomètres au nord de Douala et à 350 kilomètres de Yaoundé la capitale. Cette ville de montagnes est bâtie dans la zone dite de basse altitude (1000 à 1600 mètres), sur le versant Sud-est des Monts Bamboutos, socle ancien recouvert de formations volcaniques. La région se situe ainsi dans le domaine subéquatorial : la saison humide s’étend de mars à octobre et la saison sèche de novembre à février, pour des températures variant de 13 à 28°C, et des précipitations moyennes de 1900 mm/an. Ce climat tempéré a fait de la région la zone agricole la plus importante du pays, si bien que l’agriculture représente près de 50% du secteur de l’emploi.
Depuis le regroupement en 2007 de la Commune Urbaine et de la Commune Rurale, la ville est passée de 80 000 à 220 000 habitants et d’une surface de 7 km² à plus de 262 km². Son taux d’accroissement est de 5 % par an et sa densité atteint par endroits 250 habitants/km². La ville possède une université renommée au niveau national, qui accueille plus de 16 000 étudiants. La fusion des deux communes, et l’accroissement de la population et du territoire qui en découlent, n’ont pas été accompagnés de l’augmentation des taxes communales et des contributions allouées par l’Etat.
Les chefferies traditionnelles Bamiléké exercent un pouvoir et une influence non négligeable sur les populations locales, si bien que le gouvernement camerounais les a investis d’un rôle administratif, faisant transition entre la population et les mairies.
En résumé, l’accroissement remarquable de la population exerce une forte pression sur les terres de cette région agricole, alors que les recettes de la commune ne cessent de baisser quand les investissements augmentent pour tenter d’améliorer le cadre de vie des habitants.
Etat des lieux de la gestion des déchets
Depuis 2006, plusieurs études et missions ont été menées par différents intervenants sur le thème de la gestion des déchets à Dschang, afin de proposer des solutions pour son amélioration. Les résultats montrent que, du fait de la faible industrialisation du pays et de Dschang en particulier, les ménages produisent la quasi-totalité des déchets, (0,4 kg/j/hab. en milieu rural et 0,6 kg/j/hab. en milieu urbain), soit environ 108 t/j, ou 40 000 t/an de déchets solides produits dans la ville de Dschang.
Le ramassage des OM est actuellement assuré par la Mairie : deux bennes à compaction, deux camions entrepreneurs et une tractopelle sont chargés de la collecte en porte à porte dans la zone urbaine ainsi que de l’enlèvement des dépotoirs dont le contenu est versé dans la nouvelle décharge municipale, réalisée en partenariat entre l’ONG ERA-Cameroun et la Commune de Dschang, à 2 Km du centre ville. Cependant, du fait des difficultés techniques rencontrées (pannes, manque d’essence, véhicules utilisés à d’autres fins ou ne suivant pas le trajet indiqué, routes difficilement praticables), à peine 20% du gisement total sont collectés, et moins de 10 tonnes arrivent quotidiennement en décharge. En conséquence, les déchets s’accumulent dans des dépôts sauvages et les cours d’eau, causant de véritables problèmes sanitaires.
Comme dans la plupart des villes des PED, il n’existe pas à Dschang de filière de recyclage des déchets. En revanche, les besoins de la population sont tels que celle-ci réutilise systématiquement les bouteilles de verre et de plastique et les métaux, matériaux que l’on retrouve en quantité très faible dans les ordures ménagères (OM), si bien que plus de 80% de la masse est composée de matière fermentescible. Le fort taux d’humidité des OM (entre 50 et 65% selon la saison) rend la combustion difficile (PCI < 1500 kcal/kg, contre environ 4000 kcal/kg pour du bois sec), tandis que le bon rapport Carbone/Azote (C/N~40) en font une matière intéressante pour la fabrication de compost.
Enjeux du projet de compostage des ordures ménagères
Le projet de compostage des OM dans la ville de Dschang s’inscrit directement dans le programme phare du CEFREPADE : « Gestion des déchets urbains et développement durable : aide au développement du compostage dans les grandes villes du Sud », dont les principaux enjeux sont les suivants :
- Amélioration des conditions environnementales et sanitaires par la réduction de la quantité d’OM dans les quartiers et leur hygiénisation ;
- Augmentation des rendements agricoles par la régénération des sols, la résistance à l’érosion et la rétention d’eau grâce à l’apport d’humus par le compost ;
- Economies réalisées sur le transport des OM, les investissements à réaliser sur la décharge municipale et les intrants agricoles ;
- Création d’emplois pour la fabrication du compost.
Déroulement du projet
Résultats de l’étude de faisabilité technico-économique
Afin d’évaluer la faisabilité du compostage de la partie fermentescibles des OM de Dschang, une étude technico-économique a été réalisée de mars à août 2009.
La première phase consista en une étude de marché, réalisée sur un échantillon de 200 ménages sélectionnés au hasard dans les 27 quartiers de la ville. Il en résulte que la majeure partie de la population possède des terres cultivables, généralement pauvres, et pour lesquelles elle applique une quantité importante d’engrais chimiques. La plupart des personnes interrogées utilise aussi les résidus de récolte, déjections animales et déchets ménagers, soit épandus directement dans les sillons ou au pied des bananiers, soit gardés dans une fosse ou un sac jusqu’à décomposition suffisante. Rares sont les cultivateurs familiers avec les méthodes de compostage, mais presque tous comprennent les avantages en matière de restructuration des sols, production saine et de qualité, et économie sur les engrais chimiques. Pour satisfaire à leurs attentes, le compost devrait être vendu en magasin, par sac de 50 kg, à environ 1000 FCFA. Des formations pour fabriquer son propre compost devraient être proposées régulièrement (démonstrations sur site, Groupe d’Initiative Commune, radio, etc.).
Description du projet sur deux ans (2010-2012)
Compte tenu de ces résultats, le projet prendra en compte deux degrés de fabrication de compost, à savoir individuel et artisanal. La méthode semi-industrielle est écartée du fait de la faiblesse des revenus locaux et du fort taux de chômage (qui avoisine 40%).
Un terrain favorable à la mise en œuvre d’une plateforme artisanale de compostage a été identifié dans le quartier Keleng, zone rurale relativement proche du centre ville et accessible.
L’objectif est de traiter dans un premier temps une tonne de déchets par jour, pour atteindre 2 tonnes par jour fin 2010. Ce site sera alimenté par un apport direct des déchets par les ménages des environs (majorité de mini-cités étudiantes) et les déchets qui seront collectés par le personnel dans un rayon de 1 km à l’aide de pousse-pousse et brouettes. Le site de 3000 m² sera aménagé comme suit :
- Une zone de réception et pesage des déchets ;
- Une table de tri (on tentera de recycler les matières qui peuvent l’être);
- Une zone de fermentation en andains (tas de 2 à 5 m3);
- Une zone de maturation;
- Une zone de tamisage et mise en sacs;
- Un hangar de stockage du matériel et du compost prêt à la vente;
- Une zone d’expérimentation du compost sur cultures locales.
La population ayant montré un fort intérêt pour la fabrication personnelle de compost, des sessions de formations seront proposées sous forme de démonstrations, ateliers, émissions radio et plaquettes explicatives.
En termes d’organisation, les instances en charge de ce projet seront :
- Un Comité de Pilotage composé d’agents communaux et des partenaires dont le rôle consiste en la coordination et le suivi du projet (une dizaine de personnes);
- Une Cellule d’Exécution, composée d’une dizaine de personnes à recruter au sein des associations et populations locales, pour la production, promotion, vente du compost.
Les activités à mettre en place pour le bon déroulement du projet sur les deux premières années sont décrites dans le planning prévisionnel proposé ci-après. Notons qu’en parallèle de ce projet de compostage, un plan de gestion globale des ordures ménagères sur trois ans est mis en place en partenariat avec la Commune de Dschang et l’association ELANS (Ensemble pour l’Action Nord Sud), basée à Lille.
Le budget d’un tel projet s’élève à près de 100 000 €. La moitié sera financée par le Fonds Français pur l’Environnement Mondial (FFEM), après que ce dernier ait retenu notre projet en octobre 2009 dans le cadre de son Programme des Petites Initiatives. ERA-Cameroun est chargé du recrutement et de l’emploi des salariés, la Mairie de Dschang met à disposition ses locaux et les compétences de ses services communaux, tandis que le Cefrepade apporte son appui technique grâce à l’expertise de ses chercheurs en matière de compostage.
Aujourd’hui (mars 2010), la première phase du projet a débuté avec le recrutement des ressources locales et une première partie du financement accordé par le FFEM. En parallèle, un travail débute portant sur le bilan carbone de l’opération, qui permettra de chiffrer la quantité d’émissions de gaz à effet de serre (méthane en particulier) évités grâce au compostage de la matière fermentescible au lieu de sa mise en décharge.
Partenaires du projet :